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après, ils ronflaient si fort qu’on eût pu les entendra à cent pas.

Vers onze heures, Donat, en sentinelle diligente, se promenait de long en large près de la tente. La lune brillait dans un ciel pur ; elle n’était qu’à son premier quartier, mais elle répandait assez de clarté pour faire distinguer les objets de très-loin comme des ombres noires. Donat pensait bien de temps en temps au cadavre du joueur tué, et disait tout bas une prière pour le repos de son âme ; parfois il s’imaginait voir dans les ténèbres une ombre qui prenait pour lui la forme du mexicain que le matelot avait assassiné en route ; il entendait bourdonner à ses oreilles les effroyables malédictions du fils de l’innocente victime ; — mais il cherchait à se distraire et à se prémunir contre cette peur secrète en contemplant la vallée béante à ses pieds et pareille à un précipice à moitié éclairé. Des centaines de feux brûlaient ou couvaient encore ; les sentinelles et les rares hommes qui erraient dans la lueur rouge des flammes ressemblaient à des diables veillant sur des âmes ré-