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funte mère en préparait quand son bonnet n’était pas mis de travers !

Il se mit à manger si vite et si copieusement, en faisant toutes sortes de gestes comiques, que les muletiers ne pouvaient s’empêcher de rire et se poussaient l’un l’autre pour voir de près le glouton. Mais, lorsque ce jeu eut duré quelques instants et que le contenu de la marmite commença à diminuer notablement, ils furent frappés de stupéfaction. Ils ne quittaient pas des yeux les mains de Donat qui dévorait toujours avec le même appétit les morceaux de viande et l’épaisse soupe, comme si son estomac était sans fond.

Pendant que les muletiers stupéfaits le regardaient en murmurant, il sauta tout à coup sur ses pieds, battit un entrechat, se tapa sur le ventre et s’écria :

— Maintenant, mon estomac et moi, nous sommes quittes. On voudrait pardieu, souffrir de la faim pour pouvoir manger avec tant d’appétit. Messieurs, messieurs, c’est un avant-goût du ciel. Si je voyais un bœuf sauvage, je le renverserais