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Victor, il n’y a pas à refuser, vous n’êtes pas le maître. Nous essayerons de vous transporter hors de ce désert, et, dussé-je vous faire violence et vous lier sur la civière, vous viendrez avec nous aussi longtemps que votre cœur battra. Allez, Jean, chaque minute vaut un siècle pour nous. Nous avons mangé. Crachez dans vos mains et en avant, en avant !

Malgré ses refus, Victor fut placé sur la civière. La moindre secousse semblait lui causer des douleurs affreuses ; mais ses amis ne se laissèrent pas retarder et traversèrent la forêt comme s’ils étaient chassés à coups de fouet.

Victor devait être bien gravement malade. Pendant l’absence de Donat, Creps lui avait offert de la nourriture, mais il l’avait refusée avec dégoût. Le sentiment de la faim était déjà étouffé en lui.

Vingt fois il répéta sa prière. Chaque fois que ses amis s’arrêtaient pour reprendre haleine, il joignait les mains et les suppliait de se sauver eux-mêmes et de l’abandonner à son sort. Il se plaignait aussi que la civière lui causât des tortures