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Creps mouillait ses mains de chaudes larmes.

— Non, écoutez ; je ne puis presque plus parler, reprit-il. Vous avez tort, mes amis : votre amour m’est d’un faible secours. Je suis un obstacle, un empêchement. En voulant me sauver, vous vous sacrifiez vous-mêmes. Oh ! je vous en supplie, ne me laissez pas mourir avec la terrible conviction que je suis la cause de votre malheur, de votre mort. Abandonnez-moi à mon sort ; fuyez ce désert et sauvez votre précieuse vie.

Ses amis repoussèrent cette prière avec des cris d’horreur. Ils jurèrent de périr ensemble dans ce désert ou d’échapper avec lui au sort affreux qui les menaçait. Il attendit qu’ils eussent cessé les témoignages de leur affection, puis il reprit comme s’il ne les avait pas compris :

— Vous m’aimez, je le sais, mes bons amis ; mais doutez-vous donc de mon amour pour vous ? Pourquoi trois victimes, quand la fatalité n’en exige qu’une ? Retournez dans votre patrie regrettée, portez à ma mère mon dernier adieu ; dites-lui, dites à Lucie que je suis mort avec leurs noms