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vant ? répondit Jean d’un air sombre. Notre sort est terrible ; mais, ne l’avons-nous pas mérité ? N’est-ce pas la punition de notre sottise et de notre ingratitude ? Comment ! nous vivions dans la plus belle des patries : dans une contrée où la liberté, la justice, le progrès et la civilisation règnent sur le même trône ? Nous avions des parents, des amis ; nous n’étions pas pauvres. Si nos souhaits n’avaient pas dépassé la raison, nous pouvions attendre de la vie une bonne part de bonheur, de paix et de prospérité. Et qu’avons-nous fait ? nous avons méconnu les bienfaits de Dieu, les bienfaits de la libre patrie, pour renoncer à tout ; comme des insensés que nous sommes, toi pour l’or, moi pour une vie indépendante ! Tu as de l’or maintenant. Rendra-t-il ses forces à notre pauvre, ami ? Peut-il nous empêcher de mourir de faim ? Je suis libre, et indépendant. Ah ! ah ! indépendant comme une bête féroce qui a tous ses semblables et toute la nature pour ennemis ; qui se nourrit de plantes, qui est dévorée vivante par des animaux sans nom ! Maudite soit notre folie ! maudite soit l’heure