Page:Conscience - Le Chemin de la fortune.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est encore pis. N’avez-vous pas remarqué, monsieur Jean, qu’il n’a presque pas de forces ! Il ne se plaint pas et il semble très-malade.

— En effet, je le vois bien, répondit Creps. Son état m’effraye bien plus que tous les dangers qui nous menacent. Peut-être n’est-ce que l’émotion dont la mort affreuse de nos amis l’a frappé. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons rien contre la cruelle fatalité. Nous devons marcher et toujours marcher, jusqu’à ce que nous succombions ou trouvions notre délivrance. Nous reposer, c’est accepter la famine.

— Il mourra le premier, sanglota Donat d’une voix sourde et les larmes aux yeux. Si nous pouvions lui procurer un peu de nourriture fortifiante ; mais, sans manger, comment pourra-t-il se soutenir une demi-journée ? Mon Dieu, que faire, si nous ne trouvons rien ? Victor ne peut pas mourir. Dussé-je lui donner mon propre sang à boire, je veux être mort avant lui ! Et s’il ne peut plus marcher, je le porterai… Ah ! silence ! silence ! j’ai vu quelque chose là, sous cette grosse racine : un animal ! une bête !