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dans le pays, autre chose qu’un léger mouvement de l’atmosphère.

« Tout à coup, Tamb’ Itam vit Jim saisir le bras de sa compagne, en s’efforçant de lui dénouer les mains. Elle se pendait à son cou, la tête renversée en arrière, et ses cheveux touchaient le sol. – « Ici ! » appela Jim, et le Malais l’aida à soulever le corps de la pauvre fille. Il fut difficile de délier ses doigts. Penché sur elle, Jim regarda profondément son visage et prit tout à coup son élan vers l’embarcadère. Tamb’ Itam le suivit, mais il vit, en tournant la tête, que la jeune femme s’était redressée. Elle fit quelques pas derrière eux, puis tomba lourdement sur les genoux. – « Tuan ! Tuan ! » appela Tamb’ Itam, « retourne-toi ! » Mais Jim avait déjà sauté dans un canot et s’y tenait tout droit, pagaie en main. Il ne jeta pas un regard en arrière. Le serviteur eut juste le temps de grimper derrière lui dans la pirogue, qui flottait déjà. À la porte de l’enceinte, Bijou se tenait à genoux, les mains jointes. Elle resta quelque temps dans cette attitude de suppliante avant de bondir sur ses pieds : – « Tu n’es qu’un imposteur ! » cria-t-elle à Jim. – « Pardonne-moi », supplia-t-il. – « Jamais ! Jamais ! » répondit-elle.

« Jugeant inconvenant de rester assis pendant que son maître ramait, Tamb’ Itam lui prit la pagaie des mains. Quand ils touchèrent l’autre rive, Jim lui défendit de l’accompagner plus avant, mais le fidèle serviteur le suivit pourtant de loin, et gravit derrière lui la pente qui menait au campong de Doramin.

« Il commençait à faire nuit. Des torches brillaient çà et là. Les gens que Jim croisait, paraissaient frappés d’épouvante, et s’effaçaient vivement pour le laisser passer. Les gémissements des femmes descendaient sur la pente. La cour était pleine de Bugis en armes avec leurs serviteurs, et d’habitants de la ville.

« Je ne sais à quel but répondait réellement une telle assemblée. Étaient-ce préparatifs de guerre ou de vengeance, ou dispositions prises pour repousser une invasion menaçante ? Bien des jours passèrent sur le pays avant que les gens cessassent de rester sur le qui-vive, tremblant et guettant le retour des blancs aux longues barbes et aux vêtements en loques, dont les relations exactes avec leur