gloire, et sa gloire à lui, souvenez-vous-en, était la plus grande chose des environs, à plusieurs jours de marche. Il fallait se faire porter ou se frayer un long et dur chemin à travers la jungle, avant de se trouver hors de portée de la voix de cette gloire. Ce n’était pas, d’ailleurs, la trompette de la méprisable déesse que nous poursuivons tous ; ce n’était pas une voix discordante et effrontée. Elle empruntait ses accents à l’immobile tristesse d’un pays sans passé, où, jour après jour, la parole de Jim était la seule vérité. Elle participait à la nature du silence dans lequel elle vous accompagnait, dans les profondeurs inexplorées où elle se faisait sans cesse entendre à vos côtés, pénétrante et lointaine, où elle passait avec une stupeur terrifiée sur les lèvres balbutiantes des hommes. »
XXVIII
– « Après sa défaite, le Chérif Ali s’enfuit sans demander son reste, et lorsque les malheureux villageois pourchassés sortirent timidement de la jungle pour regagner leurs maisons pourries, c’est Jim qui, après entente avec Dain Waris, désigna leurs chefs. Ces nominations firent de lui le maître virtuel du pays. Quant au vieux Tunku Allang, sa terreur, au premier moment, n’avait pas connu de bornes. On raconte qu’en apprenant l’enlèvement de la redoute, il s’était jeté à terre, le visage collé au plancher de bambou de sa salle d’audience, et y était resté tout un jour et toute une nuit sans bouger, en poussant des cris si épouvantables, que nul n’osait approcher à moins d’une longueur de lance de sa forme prostrée. Il se voyait déjà ignominieusement chassé de Patusan, errant à l’abandon et dépouillé de tout, sans opium, sans femmes, sans serviteurs, proie trop désignée au premier passant désireux de le tuer. Après le Chérif Ali, son tour viendrait, et comment résister à une attaque menée par un diable pareil ? À la vérité, c’est à la seule idée que Jim se faisait de la justice qu’il devait la vie et ce qui lui restait d’autorité, à l’époque de ma visite. Les Bugis eussent fort aimé à régler de vieux comptes, et l’impassible