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été beaux ou non », répliquai-je, « … il y en a un au moins qu’il n’a pas su conquérir ! » – « Nous en avons tous laissé échapper un ou deux comme cela ! » fit Stein, « et c’est la peine…, la grosse peine… »

« Il me serra la main sur le seuil et jeta un coup d’œil dans la chambre par-dessous son bras levé. – « Dormez bien », fit-il, « et demain, il faudra que nous cherchions quelque chose de pratique,… de pratique… »

« Bien que sa chambre fût située au-dessous de la mienne, je le vis reprendre le chemin que nous avions suivi. Il retournait à ses papillons. »



XXI


– « Je ne pense pas qu’aucun de vous ait jamais entendu parler du Patusan ? » reprit Marlow, après un silence rempli par l’allumage méthodique d’un cigare. « Peu importe ; dans la foule des corps célestes qui se pressent la nuit autour de nous, il y en a plus d’un dont les hommes n’ont jamais entendu parler, parce qu’il gravite en dehors de la sphère de leurs habitudes, et n’a d’importance terrestre que pour les astronomes qui sont payés pour parler doctement de sa composition, de son poids, de son orbite, des irrégularités de sa trajectoire, des aberrations de sa lumière, comme d’une sorte de scandaleuse monstruosité scientifique. Il en est ainsi du Patusan. Les cercles gouvernementaux de Batavia y faisaient de doctes allusions, à propos surtout de ses aberrations et de ses irrégularités, et dans le monde du commerce, quelques très rares négociants le connaissaient de nom. Mais personne n’y était allé, et je soupçonne que personne ne se souciait d’y aller, comme je suppose qu’un astronome objecterait fort à être transporté dans un lointain corps céleste, où séparé de ses émoluments terrestres, il serait abasourdi par le spectacle de ciels inconnus. Mais les corps célestes ni les astronomes n’ont rien à voir avec le Patusan. C’est Jim qui s’y rendit. Je voulais seulement vous faire comprendre que si Stein eût réussi à l’envoyer dans une étoile de cinquième grandeur, le changement n’eût