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quelques années) accepta son offre avec gratitude. Le premier avantage était qu’Hermione Street se trouve, comme vous le savez, fort loin de cette partie suspecte de la ville, spécialement surveillée par la police.

Le rez-de-chaussée abritait un petit restaurant italien, une gargote infestée de mouches. On n’eut aucune peine à en indemniser le propriétaire, dont une femme et un homme appartenant au groupe prirent la suite. Les camarades pouvaient prendre là leurs repas, perdus parmi les autres clients. Second avantage. Le premier étage était occupé par une pauvre agence pour artistes à côté, une agence pour numéros de music-halls de bas étage, vous savez. C’est un nommé Bonn qui ta dirigeait, je m’en souviens. On le laissa tranquille. Il était plutôt avantageux d’avoir un tas de gens à allures étrangères : jongleurs, acrobates, chanteurs des deux sexes et autres, entrant et sortant toute la journée. La police faisait moins attention aux nouveaux visages, comprenez-vous ? L’étage au-dessus se trouvait, par chance, être libre à ce moment-là.

X… s’interrompit, pour attaquer avec calme, avec des gestes mesurés, une bombe glacée que le garçon venait de poser sur notre table. Il savoura lentement quelques cuillerées de la crème parfumée, et me demanda :

— Avez-vous jamais entendu parler des potages en poudre de Stone ?

— Comment dites-vous ?

— C’était, commenta paisiblement X…, un article comestible, auquel une réclame assez étendue, à certaine époque, dans les journaux quotidiens, n’avait jamais pu attirer la faveur publique. L’entreprise avait fait fiasco, comme on dit, et l’on pouvait acheter en vrac des paquets de la denrée, à moins de deux sous la la livre. Le groupe s’en procura et installa au second étage une maison de vente des Potages en poudre Stone. C’était une affaire bien remarquable. La substance,