mains du généralissime. Son Excellence avait daigné en prendre connaissance, puis avait parlé en secret de l’affaire au général Robles.
Je ne me souviens pas textuellement de cette lettre, Señores. Elle portait la signature de Gaspar Ruiz. L’audacieux ! Il avait conquis une âme sur le cataclysme, et maintenant c’est cette âme qui lui dictait sa lettre. Le ton en était très indépendant, et me frappa, sur le moment, par sa noblesse, sa dignité. C’était la lettre de la jeune femme, évidemment. Maintenant, la duplicité m’en fait frémir. Gaspar Ruiz se plaignait de l’injustice dont il avait été victime et rappelait ses preuves préalables de fidélité et de courage. Sauvé de la mort par l’intervention miraculeuse de la Providence, il ne songeait plus qu’à se réhabiliter. Mais c’était chose impossible dans le rang, comme simple soldat encore sous le coup des soupçons. Il se faisait fort de fournir une preuve éclatante de sa fidélité. Et il proposait au général en chef un rendez-vous à minuit, au milieu de la Place, devant la Moneta. Comme signe de reconnaissance, les deux hommes battraient trois fois le briquet, ce qui n’attirerait pas l’attention, tout en étant bien caractéristique.
San Martin, le grand Libérateur, aimait les hommes d’audace et de courage. De plus, il était juste et compatissant. Je lui dis ce que je savais de l’histoire de Ruiz et il me pria de l’accompagner, la nuit désignée. Les signaux furent échangés. Il était minuit, et toute la ville reposait dans l’ombre et le silence. Les deux silhouettes en manteaux se réunirent au centre de la vaste Plaza, et resté discrètement à l’écart, je perçus durant une heure ou plus le murmure de leurs voix. Alors le général me fit signe d’approcher ; et j’entendis San Martin, qui témoignait d’une égale courtoisie pour les humbles et les nobles, offrir à Gaspar Ruiz l’hospitalité de son quartier général pour la nuit. Mais le soldat refusa, en