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Le grondement de tonnerre se rapprochait de nouveau. Le général courait autour de la pièce, à la recherche de la porte, peut-être. Je jugeai, à l’entendre, qu’il tentait d’escalader les murs, et sa voix invoqua distinctement les noms de plusieurs saints. — « Dehors, Santierra, dehors ! » hurla-t-il.

La voix de la jeune fille est la seule que je n’entendis pas.

— « Général ! » criai-je, « je ne puis ouvrir la porte. Nous devons être enfermés. »

Je ne pus reconnaître sa voix dans la bordée de jurons et de cris de désespoir qu’il lança. Je connais bien les hommes de mon pays, Señores, surtout ceux des provinces les plus exposées aux tremblements de terre, qui ne voudraient jamais manger, dormir, prier ou même faire une partie de cartes avec des portes closes. Le danger consiste moins dans la perte de temps, que dans le mouvement des murs qui peut empêcher complètement une porte de s’ouvrir. C’est ce qui venait de se passer. Nous étions pris au piège, sans aucune aide à attendre de personne. Il n’y a pas un homme dans mon pays qui consente à entrer dans une maison, quand la terre tremble. Il n’y en a jamais eu, sauf un, un seul, Gaspar Ruiz !

Il était sorti du trou où il nichait, et avait sauté pardessus la charpente du porche démoli. J’entendis une voix puissante, sortie de poumons de géant, qui dominait le grondement souterrain de la destruction approchante, pour crier : — « Erminia ! » Un tremblement de terre est grand niveleur de situations. Je fis appel à toute mon énergie pour surmonter la terreur de la scène : — « Elle est ici ! » criai-je. Un rugissement de bête sauvage me répondit ; ma tête tournait ; mon cœur cessait de battre ; une sueur d’angoisse ruisselait sur mon front.

Il eut la force de soulever l’un des lourds poteaux