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VII


L’hypothèse du général Santierra était fondée. Telle était bien la nature du secours que Gaspar Ruiz, fils de paysans, avait reçu de la famille royaliste dont la fille avait ouvert la porte d’un misérable refuge à son extrême détresse. Sa sombre résolution en imposa à la folie du père et à l’ahurissement tremblant de la mère.

Elle demanda au blessé étranger : — Qui vous a mis dans cet état ?

— Les soldats, Señora, répondit Gaspar Ruiz, d’une voix faible.

— Les patriotes ?

— Si.

— Pour quelle raison ?

— Comme déserteur, haleta-t-il, en s’appuyant contre le mur, sous le regard scrutateur des yeux noirs. On m’a laissé pour mort là-bas.

Elle le conduisit, à travers la maison, vers une petite hutte de terre et de roseaux, perdue dans l’herbe haute du verger abandonné. Il se laissa tomber dans un coin, sur un tas de paille de maïs, avec un profond soupir.

— Personne ne viendra vous chercher ici, fit-elle en abaissant les yeux sur lui. Personne ne passe par ici. Nous aussi, on nous a laissés pour morts.