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mon enfant, tu dois croire implicitement tout ce que te dit ton mari.

Mais au mari de Léonie, le chevalier confia sa véritable opinion :

— Si c’est là l’histoire que le général a inventée pour sa femme, et pendant la lune de miel encore, vous pouvez bien être sûr que personne ne connaîtra jamais le fin mot de cette affaire.

Beaucoup plus tard encore, le général d’Hubert jugea le moment venu et l’occasion propice pour écrire au général Féraud. Il commençait sa lettre en se défendant de toute animosité.

Jamais, écrivait-il, pendant toute notre déplorable querelle, je n’ai souhaité votre mort. Permettez-moi de vous rendre formellement une vie qui m’appartenait. Il est nécessaire que deux compagnons de gloire comme nous soient en bons termes aux yeux du public.

La même lettre contenait encore un mot personnel d’information domestique. C’est en réponse que le général Féraud adressa à son ancien adversaire une lettre datée d’un petit village des bords de la Garonne :

Si parmi les noms de votre fils, — écrivait-il, — j’avais lu celui de Napoléon, de Joseph, voire de Joachim, je vous féliciterais avec plus de cœur. Comme vous avez jugé bon de lui donner les noms de Charles-Henri-Armand, je me sens confirmé dans mon opinion que vous n’avez JAMAIS aimé l’Empereur. La pensée de ce héros sublime enchaîné sur un rocher au milieu de l’Océan sauvage enlève si bien pour moi toute saveur à la vie, que je recevrais avec une véritable joie votre ordre de me brûler la cervelle. Je considère que l’honneur m’interdit le suicide. Mais je conserve un pistolet chargé dans mon tiroir.