Gaspar restait immobile comme une statue, les pieds appliqués au mur et ses mains velues sur la barre de fer. Rien ne se passa pendant quelques instants ; et tout à coup je vis le géant redresser son dos voûté et contracter ses muscles. Ses lèvres se retroussaient, en découvrant ses dents. Puis, je m’aperçus que, sous sa traction formidable, le barreau de fer se tordait lentement. Le soleil dardait sur ses traits, figés dans leur effort, et la sueur ruisselait en grosses gouttes sur son front. En regardant le barreau, je vis du sang filtrer sous les ongles de Gaspar. Il cessa enfin de tirer et resta un instant recroquevillé, la tête pendante, regardant d’un air somnolent dans la paume de ses mains puissantes. On eût dit qu’il venait de s’éveiller. Brusquement, il s’arcbouta contre le bord de la fenêtre, appliqua contre le second barreau la plante de ses pieds nus, et le tordit en sens inverse du premier.
Telle était sa force, dont, en l’occurrence, l’effet soulagea mes pensées douloureuses. Et l’on aurait cru qu’il n’avait rien fait ! Sauf le changement de position, dont la vivacité nous avait surpris, je n’ai gardé de cette scène qu’une impression d’immobilité. Il avait largement écarté les barreaux, pourtant. Et il aurait pu sortir, si tel eût été son désir. Mais il laissa retomber ses jambes dans la cellule, et tourna la tête par-dessus son épaule en faisant signe aux soldats : — « Envoyez l’eau », dit-il, « je vais leur donner à boire ! »
On lui obéit. Pendant un instant, je m’attendis à voir disparaître le seau et l’homme, submergés sous un élan furieux ; je crus que les prisonniers allaient faire tomber Ruiz à coups de dents. Ils se ruaient sur lui, mais, avec son seau sur les genoux, il repoussa l’assaut des malheureux, rien qu’en balançant ses pieds. Ils retombaient en arrière, avec des hurlements de douleur, et les soldats riaient de ce spectacle.
Ils riaient tous, à se tenir les côtes, sauf le sergent