que Féraud ? Un va-nu-pieds transformé en général par un aventurier Corse déguisé en empereur. Il n’y a pas de raison plausible pour qu’un d’Hubert aille s’encanailler en se battant avec un individu de cette espèce. Vous pouvez parfaitement lui faire des excuses. Et si le manant s’avise de les repousser, vous n’avez qu’à refuser de le rencontrer.
— Vous dites que je puis faire cela ?
— Oui, je le dis, en toute conscience.
— Monsieur le Chevalier, à quoi vous-croyez-vous donc revenu, au retour de votre émigration ?
D’Hubert avait prononcé ces paroles avec un accent si vibrant que le vieillard redressa vivement la tête où l’argent des cheveux brillait sous le petit tricorne. Il resta un instant interdit, puis montrant, d’un geste lent et grave, une grande croix de carrefour dressée sur un bloc de pierre, et qui dessinait en noir ses bras de fer forgé contre la bande rouge du ciel assombri :
— Dieu le sait, fit-il enfin ; Dieu le sait ! N’était cet emblème, que je me souviens d’avoir vu en ce même endroit dans mon enfance, je me demanderais à quoi nous sommes revenus, en effet, nous les fidèles à notre Dieu et à notre roi ? La voix même des gens a changé !
— Oui, c’est une France nouvelle, fit le général d’Hubert. Il semblait avoir recouvré son calme et son accent se faisait légèrement ironique. — Et c’est pourquoi je ne saurais suivre votre conseil. Comment, d’ailleurs refuser d’être mordu par un chien qui veut mordre ? C’est impossible. Croyez-moi, Féraud n’est pas homme à se laisser arrêter par des excuses ou des refus. Évidemment, il y a d’autres moyens. Je pourrais, par exemple, faire tenir un mot au brigadier de gendarmerie de Soulac ; le général et ses amis seraient arrêtés sur un simple ordre de ma part. Cela ferait jaser dans l’armée, chez les officiers en service ou en disponibilité..., surtout