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qu’hier, le prince de Talleyrand m’avertissait que Nesselrode l’avait officiellement informé du mécontentement de Sa Majesté l’empereur Alexandre, devant le petit nombre d’exemples que le gouvernement royal se propose de faire, surtout parmi les militaires ; je vous dis cela en confidence.

— Ma parole, gronda entre ses dents le général d’Hubert, si Votre Excellence daigne me faire encore des confidences de ce genre, je ne sais ce que je ferai. Il y a de quoi briser son épée sur son genou, et en jeter les morceaux.

— Quel gouvernement croyez-vous donc servir ? interrompit sèchement le ministre.

Après une brève hésitation, la voix abattue du général d’Hubert répondit :

— Le gouvernement de la France !

— C’est une façon de payer de mots votre conscience, général. La vérité, c’est que vous servez un gouvernement d’anciens exilés, d’hommes qui ont vécu vingt ans sans patrie. D’hommes aussi qui viennent de subir une terreur affreuse et fort humiliante... Ne vous faites donc pas d’illusions à ce sujet.

Le duc d’Otrante se tut. Il était soulagé et avait atteint son but, en blessant un peu l’amour-propre de l’homme qui l’avait malencontreusement trouvé en train de faire des poses devant un miroir, dans son costume de cour brodé d’or. Mais ces militaires étaient des têtes chaudes ; il songea qu’il serait fâcheux qu’un officier général de bonnes dispositions, reçu en audience sur la recommandation d’un des Princes, fît un affreux scandale au sortir d’une entrevue particulière avec le ministre. D’un ton changé, il alla droit au fait et s’enquit :

— Un de vos parents, ce Féraud ?

— Non, pas du tout.

— Un ami intime ?

— Intime, oui... Il y a entre nous un lien intime