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son régiment, Féraud apprit que le colonel d’Hubert venait d’être nommé général. Fixant sur son informateur un regard incrédule, il croisa les bras, et marmonna en tournant le dos :

— Rien ne me surprend, de la part de cet homme.

Et il ajouta à haute voix, par-dessus son épaule :

— Vous m’obligeriez fort en disant au général d’Hubert à la prochaine occasion, que cet avancement le sauve, pour un temps, d’une belle rencontre. Je n’attendais que son arrivée !

L’autre officier se récria :

— Pouvez-vous y songer, mon colonel, à une époque où toutes les vies devraient être consacrées à la gloire et au salut de la France !

Mais la déception des revers militaires avait aigri le caractère du colonel Féraud. Comme bien d’autres, le malheur le rendait méchant.

— Je ne puis considérer que l’existence du général d’Hubert ait rien à voir avec la grandeur ou le salut de la France, lança-t-il sèchement. Vous n’allez pas prétendre le connaître mieux que moi, peut-être, qui l’ai rencontré une demi-douzaine de fois sur le terrain !

Son jeune interlocuteur fut réduit au silence. Féraud arpentait rageusement la pièce.

— Ce n’est pas le moment de mâcher ses paroles, dit-il. Je ne puis croire que cet homme-là ait jamais aimé l’Empereur. Il a ramassé ses étoiles sous les bottes du maréchal Berthier. Parfait ! Je gagnerai les miennes d’autre façon, et nous réglerons une affaire qui a trop longtemps traîné !

Indirectement informé de cette attitude, le général d’Hubert fit un geste d’ennui comme pour repousser un importun. Il était sollicité par des soucis plus graves. Il n’avait pas eu le temps d’aller voir sa famille. Sa sœur, dont les espoirs royalistes prenaient de jour en