camp. Les trois dernières semaines d’une campagne menée par un temps affreux avaient affecté sa santé. Quand il était surmené, il souffrait d’un point dans son côté blessé, et cette sensation gênante l’accablait toujours. — C’est encore la faute de cette brute, se disait-il amèrement.
Il avait reçu la veille une lettre de France, qui lui annonçait le mariage de sa sœur unique. Il réfléchit que depuis son départ pour Strasbourg, quand il avait vingt-six ans et elle dix-neuf, il ne l’avait aperçue que deux fois, à la hâte. Dans leur jeune âge, ils avaient été grands amis et confidents et maintenant, on la donnait à un homme, très digne garçon, sans doute, mais certainement pas de moitié assez bon pour elle. Il ne reverrait jamais sa chère Léonie. Elle avait une petite tête solide et beaucoup de tact ; elle saurait mener son mari, à coup sûr. Il était rassuré sur son bonheur futur, mais se sentait évincé de la première place dans un cœur qui avait été à lui depuis que la fillette avait su parler. Un regret nostalgique de ses années d’enfance attrista le capitaine d’Hubert, troisième aide de camp du prince de Ponte Corvo.
Il jeta de côté la lettre de félicitations qu’il avait commencée sans aucun enthousiasme, puis prenant une feuille de papier blanc, il y traça ces mots : Mon testament et mes dernières volontés. Absorbé devant son papier, il s’abandonna à des réflexions douloureuses ; le pressentiment qu’il ne reverrait jamais les scènes de son enfance pesait sur son esprit pondéré. Bondissant tout à coup, et repoussant sa chaise, il bâilla longuement, pour bien se prouver qu’il n’attachait pas la moindre importance aux pressentiments. Il se jeta sur son lit et s’endormit. Pendant la nuit, il frissonna, à diverses reprises, sans s’éveiller. Au matin, il sortit de la ville, en parlant de choses indifférentes avec ses deux témoins, et en jetant, avec un détachement apparent, le