que j’ai eu peur. Et je pense que vous ne me demanderez pas de laisser passer une telle imputation. Je puis me trouver, d’un moment à l’autre, avec une douzaine de duels sur les bras au lieu de cette unique affaire.
La simplicité directe d’un tel argument frappa le colonel. Il regarda fixement son subordonné.
— Asseyez-vous, lieutenant, grommela-t-il, voilà une sacrée diable de... Asseyez-vous !
— Mon colonel, reprit d’Hubert, je n’ai pas peur des mauvaises langues. Il y a une façon de les faire taire. Songez seulement à ma tranquillité d’esprit. Je ne pourrais me défaire de l’idée que j’aurais causé la perte d’un camarade. Si vous agissez, l’affaire ira plus loin. L’enquête a été abandonnée ; n’en parlons plus. Elle aurait été absolument fatale à Féraud !
— Hein ? Vous dites ? Il s’est donc si mal conduit ?
— Oui, assez mal ! murmura d’Hubert, à qui sa faiblesse persistante donnait envie de pleurer.
Comme l’autre officier n’appartenait pas à son régiment, le colonel n’eut pas grand’peine à croire son subordonné. Il se mit à arpenter la pièce. C’était un bon chef, un ami capable de discrète sympathie. Pourtant, il était homme aussi et le laissa voir, car il était étranger à tout artifice.
— Le diable, lieutenant, bredouilla-t-il, dans la simplicité de son cœur, c’est que j’ai déclaré mon intention d’aller jusqu’au bout de l’affaire. Et quand un colonel affirme une chose, vous comprenez...
— Mon colonel, interrompit vivement d’Hubert, laissez-moi vous supplier de vous contenter de ma parole d’honneur. Je vous affirme avoir été entraîné dans une maudite histoire qui ne me laissait pas de choix ; il n’y avait pas d’autre alternative compatible avec ma dignité d’homme et d’officier. Voilà, en somme, le fond de l’affaire, mon colonel ; je vous le montre. Le reste n’est que détails sans importance.