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— Vous ne venez pas avec moi? demanda-t-il.

— Non ! répondit d’Hubert ; vous trouverez bien la maison tout seul. Vous verrez sans doute la porte ouverte sur la rue.

— Très bien ; où est sa chambre ?

— Au rez-de-chaussée ; seulement, vous ferez bien de traverser la maison et d’aller d’abord voir dans le jardin.

Ce singulier avis incita le chirurgien à courir sans plus de paroles. D’Hubert rentra chez lui débordant de pensées indignées, inquiètes et véhémentes. Presque autant que la colère de ses supérieurs, il redoutait les brocards de ses camarades. L’affaire était affreusement grotesque et embarrassante, même sans tenir compte de l’irrégularité d’un combat qui la rapprochait odieusement d’un crime. Comme tous les hommes médiocrement doués d’imagination, cette faculté qui favorise tant la marche des pensées, le lieutenant d’Hubert se sentit accablé par les aspects divers de la situation. Il était certainement heureux de n’avoir pas tué Féraud en dehors de toutes règles, et sans les témoins nécessaires à un telle opération. Fort heureux. Ce qui ne l’empêchait pas d’éprouver le désir de lui tordre le cou sans cérémonie.


Il était encore sous l’empire de ces sentiments contradictoires, quand le chirurgien amateur de flûte vint le voir. Plus de trois jours s’étaient écoulés. Le lieutenant d’Hubert n’était plus officier d’ordonnance du général commandant la division. Il avait été rendu à son régiment. Et pour renouer connaissance avec la grande famille militaire, il avait pris des arrêts de rigueur dans une chambre du quartier, et non dans son logement de ville. La gravité du cas lui avait fait interdire toute visite. Il ne savait pas ce qui s’était passé, ce qui se disait ou ce que l’on pensait. L’arrivée du chirurgien constitua une surprise fort inattendue pour le prisonnier