Page:Conrad - Gaspar Ruiz, trad. Néel.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et pour quelle raison, que diable ?

L’innocence de la bouillante âme gasconne s’accusait dans le geste qui lui fit saisir sa tête à deux mains, comme pour l’empêcher d’éclater de perplexité.

— A cause de votre duel, fit sèchement d’Hubert, fort agacé par cette espèce d’ineptie perverse.

— De mon duel ! De...

Le lieutenant passait d’un paroxysme d’étonnement à l’autre. Il laissa tomber ses mains et se remit lentement en marche, s’efforçant de concilier une pareille information avec ses propres sentiments. Mais c’était chose impossible. Il éclata d’indignation :

— Fallait-il laisser un pékin mangeur de choucroute s’essuyer les pieds sur l’uniforme du 7e hussards ?

D’Hubert ne pouvait rester tout à fait insensible à ce sentiment naïf. Le Gascon était un fou, mais il y avait tout de même du vrai dans ses paroles.

— J’ignore évidemment jusqu’à quel point vous étiez dans votre droit, commença-t-il d’un ton conciliant, et le général a pu, lui-même, n’être pas exactement informé. On est venu l’assourdir de lamentations.

— Ah ! le général n’est pas exactement informé, marmonna le lieutenant Féraud qui marchait de plus en plus vite, à mesure que montait en lui la colère soulevée par l’injustice de son sort... Pas exactement... Et il me flanque des arrêts de rigueur, avec Dieu sait quoi par derrière !

— Ne vous agitez pas comme cela, remontra l’autre. La famille de votre adversaire est très influente, vous le savez, et l’affaire se présente assez mal, au premier abord. Le général a dû, sans tarder, faire état de la plainte. Je ne crois pas qu’il veuille user à votre égard d’une sévérité excessive. Rien de mieux pour vous que de rester quelque temps à l’écart.

— Bien obligé au général, grommela Féraud entre ses dents. Et peut-être pensez-vous que je vous dois de la