— Qu’est-ce que le général va lui faire ? interrompit la jeune fille avec inquiétude.
— On ne lui coupera pas la tête, bien sûr, grogna le lieutenant d’Hubert. Mais sa conduite est positivement indécente. Il va s’attirer toutes sortes d’ennuis, avec cette espèce de bravade.
— Je vous dis qu’il ne se promène pas en ville, insista timidement l’Alsacienne.
— Eh, c’est vrai, maintenant que j’y pense ; je ne l’ai vu nulle part. Où a-t-il donc pu se fourrer ?
— Il est allé faire une visite, hasarda la servante après un moment de silence.
Le lieutenant d’Hubert tressaillit.
— Une visite ? Une visite à une dame, voulez-vous dire. Le toupet de cet homme-là ! Et comment pouvez-vous le savoir, ma belle ?
Sans cacher son mépris de femme pour l’épaisse sottise de l’esprit masculin, la jolie servante lui rappela que le lieutenant Féraud avait endossé son meilleur uniforme, avant de sortir. Il avait aussi mis son plus beau dolman, ajouta-t-elle, en se détournant brusquement, comme si la conversation eût commencé à lui agacer les nerfs.
Sans discuter le bien-fondé d’une telle déduction, le lieutenant d’Hubert ne voyait pas en quoi elle pouvait l’aider dans son enquête officielle. Car sa chasse avait un caractère officiel. Il ne connaissait aucune dame chez qui cet homme, qui avait tué un adversaire dans la matinée, eût chance de se trouver l’après-midi. Les deux jeunes gens ne se connaissaient que de loin. Il mordillait ses gants avec une mine de perplexité.
— Une visite ! s’écria-t —il. Une visite au diable ?
La jeune fille qui lui tournait le dos, et pliait la culotte de hussards sur une chaise, eut un petit rire vexé.
— Oh Seigneur non ! A madame de Lionnel !