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époumonné. — « Félicitations, mon vieux », haletai-je. Il me flanqua une grande tape sur le dos. — « Tu donneras les ordres au maître d’équipage quand les hommes remonteront », dit-il. « Moi, cet après-midi, j’ai campo. »

Il disparut un instant, puis sortit bientôt de la grande cabine avec Maggie ; ils s’en allèrent tous deux par la coupée, au vu et au su de tout l’équipage, sous le soleil aveuglant et les flots de poussière qui volaient dans le ciel torride. Ils rentrèrent quelques heures plus tard avec un air très sage, et sans la moindre notion apparente des endroits où ils avaient pu aller. Du moins est-ce ce qu’ils répondirent tous deux à Mrs. Colchester à l’heure du thé.

J’aurais voulu que vous l’entendiez attraper Charley avec sa voix de vieux cocher de nuit : — « Idioties ! Ils ne savent pas où ils ont été. En voilà des histoires. Vous avez fait trotter cette fille-là à lui user les jambes. Tâchez de ne pas recommencer, hein ? »

C’est étonnant ce que Charley pouvait avoir de patience avec cette vieille peste. Je ne l’ai entendu m’en parler qu’une fois. — « Je suis rudement content », me souffla-t-il, « qu’elle soit seulement par alliance la tante de Maggie. Ce n’est pas une parenté, cela. » Je crois aussi qu’il laissait Maggie, en faire un peu trop à sa tête. Elle sautillait d’un bout à l’autre du navire avec sa jupe, blanche de yachting et un béret rouge qui la faisait ressembler à un oiseau brillant sur un arbre mort. Les vieux loups de mer échangeaient des sourires en la voyant approcher, et voulaient lui montrer à faire des nœuds et des épissures. Je crois qu’elle les aimait bien, par considération pour Charley, sans doute.

Vous imaginez qu’on n’ouvrait jamais la bouche à bord, sur les propensions diaboliques de notre maudit bateau. Un jour seulement, au retour, Charley déclara, par mégarde, que nous allions, pour une fois, ramener l’équipagè en entier. Le Capitaine prit un air gêné, et