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lui, dans une immobilité et un silence parfaits. La rigidité de son visage pâle donnait une illusion de placidité. Seulement ses yeux au regard fixe paraissaient plus grands et plus sombres.

Il se mit à parler rapidement, avec une assurance nerveuse. Je l’entendis affirmer qu’il saurait tout éclaircir pour elle. Je n’en perçus pas davantage. Il se tenait tout près d’elle, sans essayer même de la toucher du bout du petit doigt, et elle le regardait stupidement. Pourtant, ses paupières lentement, douloureusement tombées, pendant une seconde, et ses longs cils nous caressant ses joues livides, elle parut sur le point de s’évanouir. Mais elle ne vacilla même pas sur ses pieds. Cependant Sevrin la pressait à voix haute de le suivre, et se dirigeait, sans regarder derrière lui, vers l’escalier. Elle fit, en effet, un ou deux pas pour le suivre. Bien entendu on ne laissa pas le traître arriver jusqu’à la porte. Il y eut des exclamations de colère, le tumulte d’une lutte brève et furieuse. Violemment repoussé, il fut lancé vers la jeune fille et tomba. Elle jeta les bras en avant, en un geste de terreur, et par un bond de côté évita juste la tête du malheureux, qui heurta violemment le sol à ses pieds.

Le choc le fit gémir. Lorsqu’il se fut redressé, lentement, comme un homme étourdi, ses yeux étaient dessillés. L’homme, aux mains duquel il avait jeté la gaine de cuir, en avait extrait une mince feuille de papier bleuté. Il la tint un instant au-dessus de sa tête, puis dans le silence d’attente inquiète qui suivait la lutte, il le jeta dédaigneusement à terre : — « Je crois, camarades, que cette preuve n’était guère nécessaire. »

Rapide comme la pensée, la jeune fille se pencha pour attraper le papier au vol. Elle le déploya à deux mains, le regarda une seconde, puis, sans lever les yeux, ouvrit lentement les doigts et le laissa tomber.

Je pus examiner plus tard, ce curieux document. Il