— Ce qui m’a surtout frappé, interrompit Renouard, c’est que ce soit moi qu’elle ait choisi pour une aussi longue conversation.
— C’est peut-être que vous étiez l’homme le plus remarquable de la soirée.
Renouard secoua la tête :
— Vous avez manqué votre effet, mon cher, il faudra essayer autre chose, dit-il avec calme.
— Vous ne me croyez pas ? Ah ! modeste personnage ! C’est bon ! Mais laissez-moi vous assurer qu’en temps ordinaire j’aurais eu raison. Vous êtes suffisamment remarquable pour cela. Mais aussi vous me faites l’effet d’un garçon assez perspicace. Eh ! bien, les circonstances sont extraordinaires. Pardieu ! elles le sont.
Il se mit à rêver. Au bout d’un moment, le planteur de Malata laissa tomber négligemment :
— Et vous les connaissez ?
— Et je les connais, répliqua l’universel journaliste, du ton le plus simple, car l’occasion était trop particulière pour faire montre de sa vanité professionnelle ; cette vanité si familière à Renouard qu’il s’étonna de n’en pas avoir le spectacle et qu’il appréhenda là-dessous de fâcheuses nouvelles.
— Vous avez rencontré ces personnes ? demanda-t-il.
— Non, je devais les rencontrer hier soir, mais je me suis vu forcé d’écrire le matin à Willie pour m’excuser. C’est alors qu’il a eu la lumineuse idée de vous inviter à ma place, en supposant que vous pourriez être utile. Willie est parfois stupide ; il est évident que vous êtes le dernier à pouvoir servir à quoi que ce soit dans cette histoire.
— Comment se fait-il que je m’y trouve mêlé, quelle qu’elle puisse être ?
Et ici une sourde irritation altéra légèrement la voix de Renouard :
— Je ne suis arrivé que d’hier matin.
Son ami le journaliste se tourna carrément vers lui :
— Willie m’avait demandé conseil, et du moment qu’il vous a mêlé à cette histoire, je puis bien vous dire de quoi il s’agit. Je vais essayer d’être aussi bref que possible. Mais, naturellement, tout ceci entre nous.