que vous dormiez généralement à l’arrière dans un hamac, sous la tente au-dessus de la cabine. Ils m’ont interrogée sur vos habitudes et sur votre bateau aussi. Je leur ai dit ce que je savais. Il fallait que je me mette bien avec eux. Et Bamtz le leur aurait dit si je ne l’avais pas fait, vous comprenez. »
« Il lui fit un signe amical et sortit. Autour de la table les autres, sauf Bamtz, le regardèrent. Cette fois ce fut Fector qui parla : « Ne voulez-vous pas faire une petite partie avec nous, capitaine ? »
« Davidson répondit que maintenant que l’enfant allait mieux il devait rentrer à bord et se coucher. Fector était le seul des quatre qu’il n’avait, pour ainsi dire, jamais vu ; car il avait eu l’occasion de voir le Français auparavant. Le mépris de Davidson pour ces gens-là lui monta à la gorge. Il observa les yeux troubles de Fector, sa bouche vilaine et amère, tandis qu’avec son sourire placide, son ton aimable, et son allure innocente il leur donnait courage. Ils échangèrent un regard d’intelligence.
— « Nous allons rester à jouer assez tard aux cartes, dit Fector d’une voix âpre et sourde.
— « Faites le moins de bruit possible.
— « Oh ! nous sommes des gens tranquilles. Et si le petit n’allait pas bien, elle n’aurait qu’à envoyer l’un de nous vous chercher à bord, pour que vous puissiez faire office de docteur. Aussi ne sortez pas votre revolver à première vue.
— « Ce n’est pas un homme à sortir son revolver, interrompit Niclaus.
— « Je ne le sors jamais avant d’être sûr qu’il y a une raison pour cela, en tout cas, dit Davidson.
« Bamtz eut un ricanement. Le Français seul se leva pour faire un salut en réponse au signe de tête insouciant de Davidson.
« Ses moignons étaient immuablement collés dans ses poches ; Davidson en comprenait maintenant la raison.
« Il retourna à bord. Il roulait des idées dans sa tête, et il était tout à fait furieux. Il se mit à sourire, m’a-t-il dit (ce dût être le premier sourire forcé de sa vie) à la pensée du poids de sept livres ficelé au bout du moignon du Français. Le bandit avait pris cette précaution au cas d’une querelle sur le partage du butin. Un homme capable, sans qu’on s’en doutât, de vous asséner des coups mortels, pouvait prendre sa part à une soudaine bagarre contre des adversaires armés de revolvers, surtout si c’était lui qui commençait la rixe.