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« L’enfant reposait très rouge, dans un misérable petit lit fait avec le bois de caisses de gin ; il regarda Davidson avec des yeux vagues, à demi-endormis. C’était évidemment un mauvais accès de fièvre. Mais comme Davidson proposait d’aller à bord chercher une médecine et essayait de lui dire des paroles rassurantes, il ne put s’empêcher d’être frappé de l’attitude singulière de la femme, debout près de lui. Regardant le petit lit avec une expression désespérée, elle jeta rapidement un regard inquiet vers Davidson, puis vers l’autre pièce.

« Oui, ma pauvre fille, murmura-t-il, en mettant sa détresse sur son propre compte, bien qu’il n’eut rien de précis dans l’esprit, je crains que tout ceci ne présage rien de bon pour vous. Comment se fait-il qu’ils soient ici ?

« Elle lui saisit le bras et lui murmura vivement : « Rien de bon pour moi. Oh non ! Mais qu’est-ce qui va arriver pour vous ? Ils en veulent aux dollars que vous avez à bord. »

« Davidson surpris, demanda : « Mais comment savent-ils qu’il y a des dollars ? »

« Elle frappa ses mains légèrement : « C’est donc vrai ; vous les avez à bord. Alors prenez bien garde à vous. »

« Ils se tenaient près du petit lit, regardant l’enfant, sachant bien qu’on pouvait les observer de l’autre pièce.

« Il faudrait le faire transpirer aussi tôt que possible, dit Davidson de son ton habituel. Il faudrait lui donner quelque chose de chaud à boire. Je vais aller à bord et je vous rapporterai une petite bouilloire à alcool, entre autres choses. » Et il ajouta à voix basse : « Croyez-vous qu’ils songent à l’assassinat ? »

« Elle ne fit pas un signe. Elle se remit à contempler son enfant avec désespoir. Davidson pensait qu’elle ne l’avait même pas entendu quand, sans changer d’expression, et retenant son souffle :

« — Le Français le ferait, en un instant. Les autres préféreraient l’éviter, à moins que vous ne résistiez. C’est un démon. C’est lui qui les encourage à la chose. Sans lui ils ne feraient rien que de parler. Je m’en suis fait un copain. Que voulez-vous faire quand vous êtes avec un homme comme celui avec qui je suis ! Bamtz est terrorisé par eux, et ils le savent. Il se joint à eux, de peur. Ah, Davy, emmenez votre bateau au plus vite. »

— « Trop tard, dit Davidson ». Il est déjà sur la vase.

« — Si le petit n’avait pas été si mal je me serais enfuie avec lui,