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tout d’un coup trop fatigué pour rester debout, il s’étendit sur le lit qu’il trouva doux et confortable, au-delà de ses espérances.

Il s’était senti très éveillé, mais il avait dû s’assoupir après tout, car tout ce qu’il savait c’est qu’il était maintenant assis sur le lit, cherchant à se rappeler exactement ce que disait la voix de Tom. Ah, oui ! Il se rappelait. Elle disait : « M. Byrne, ouvrez l’œil. » C’était un avertissement. Mais contre quoi ?

Il sauta d’un bond au milieu de la chambre, haleta, puis regarda tout autour de lui. La fenêtre était bien fermée, d’une barre de fer. Il promena, de nouveau, son regard lentement sur les murs nus, il considéra le plafond ; il alla à la porte examiner les verroux. C’était deux énormes verroux qui glissaient dans des trous faits à même le mur, et comme le corridor au dehors était trop étroit pour rendre possible l’usage d’un bélier, ou même la manœuvre d’une hache, on ne pouvait pas enfoncer la porte, sauf avec de la poudre. Cependant qu’il continuait à s’assurer que le verrou d’en bas était bien poussé, il eut la sensation qu’il y avait quelqu’un dans la chambre. Et cela si fortement qu’il se retourna avec la rapidité de l’éclair. Il n’y avait personne. Qui eut bien pu être là ? Et pourtant…

Ce fut alors qu’il perdit toute la tenue et la contrainte qu’un homme conserve par respect de soi. La lampe posée à terre, il se mit, à quatre pattes, à regarder sous le lit, comme une fille stupide. Il y vit pas mal de poussière et rien d’autre. Il se releva, les joues en feu, et marcha de long en large, honteux de lui-même et de cette ridicule inquiétude, qu’il ressentait au sujet de Tom et qui ne voulait pas le lâcher. Les mots : « M. Byrne ouvrez l’œil. » continuaient à retentir dans sa tête sur un ton d’avertissement.

— « N’aurais-je pas mieux fait de me jeter sur le lit et d’essayer de dormir ? se demandait-il. Ses yeux tombèrent sur l’immense armoire, il se dirigea vers elle, irrité de son idée, mais se sentant incapable d’y renoncer. Comment expliquerait-il le lendemain aux deux sorcières son effraction, il n’en savait rien. Il introduisit la pointe de son coutelas entre les deux battants de la porte et essaya de les forcer. Ils résistaient. Il se mit à jurer, s’obstinant dans son dessein, maintenant. Le « j’espère que vous serez satisfait, nom d’un chien », qu’il murmura, s’adressait à Tom absent. Juste à ce moment les portes cédèrent et s’ouvrirent à la volée.

Il était là.

Lui, le fidèle, le sagace, le courageux Tom était là, debout, sombre et