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PRÉFACE


teur du Livre des vassaux du comté de Champagne. Depuis la publication de son ouvrage, ce jeune savant a découvert une liste des vassaux de la châtellenie de Troyes, dressée vers 1172, et sur laquelle figure un Geoffroi de Ville-Hardouin. Si ce personnage était notre historien, il y aurait lieu de reculer sa naissance Jusqu'à l'an 1150, et de reporter un peu en arrière celle de son frère aine.

Quoi qu'il en soit, l'année 1150 est une limite extrême qu'aucun de ses biographes n'a été tenté de franchir ; et la raison en est facile à concevoir. Quiconque lira la suite de ses récits, et le verra tour à tour chargé de missions lointaines ou prenant une part active à tous les combats, sera naturellement amené à croire qu'il était encore à la force de l'âge, et capable de supporter les fatigues de la guerre. D'un autre côté, la confiance qu'il inspirait à ses compagnons d'armes, son influence dans les conseils, son habileté comme négociateur, montrent assez qu'il devait être en pleine maturité, en sorte que c'est se maintenir dans la vraisemblance que de placer la naissance de Geoffroi de Ville-Hardouin entre les aimées 1156 et 1164.

Après avoir exposé ce qui est possible ou probable, j'en reviens à ce qui est certain et incontestable. Je rappelle que Geoffroi de Ville-Hardouin, en admettant qu'il ne faille pas le reconnaître dans le vassal inscrit en 1172 sur la liste de la châtellenie de Troyes, était du moins majeur en 1185, et âgé de trente-cinq ans quand il se croisa, en 1199, au tournoi d'Ecry-sur-Aisne. Il n'était donc pas de ceux qui avaient pu céder sans réflexion à la voix d'un prédicateur éloquent. Arrivés à cet âge, les hommes d'un cœur ferme et d'un esprit éclairé ne font rien à la légère, et n'obéissent pas à la foi sans consulter la raison. On comprend mal l'histoire en général, et les croisades en particulier, quand on se figure des générations entières agissant à l'aveugle et se plaçant comme en dehors du sens commun. Sans doute ce n'étaient pas les calculs d'une politique réfléchie qui conseillaient et préparaient ces lointaines expé-