Page:Congres francais et international du droit des femmes.djvu/268

Cette page n’a pas encore été corrigée


Discours de M. Viviani

Sur la femme hors le mariage


Mesdames, Messieurs,

Je ne demande pas au Congrès son indulgence, mais bien plutôt sa pitié, car je me lève à une heure tardive pour discuter des questions épuisées. Subissant la loi commune que nous nous sommes imposée, j’avais envoyé, il y a quelques jours, ma communication écrite à la Section de législation ; mais je me vois obligé de ne pas revenir sur ces points divers que j’avais traités et d’extraire de mon étude quelques considérations particulières. Je veux, en effet, examiner avec vous les diverses incapacités qui viennent, sans raison et sans excuse, s’abattre sur la femme ; et, ménager, avant tout, les précieux moments du Congrès, j’accomplirai ma tache avec une brièveté dont vous me serez reconnaissants.

Prenons la femme, en dehors du mariage, dans ses rapports avec la société même. J’ouvre le Code et j’y lis une première incapacité, qui, sans autre excuse que l’infériorité du sexe, vient s’abattre sur la femme : la femme ne peut pas être tutrice. Et pourquoi ? Parce que la charge de la tutelle est trop lourde pour ses faibles épaules et qu’à la traitation des affaires de chaque jour, elle ne peut opposer autre chose que sa gracieuse inexpérience. Voilà une raison, voyons ce qu’elle vaut : nous allons juger la loi avec la loi. Il est un cas où la femme peut être tutrice, c’est quand il s’agit de diriger la tutelle de son propre enfant. Mais si la femme est inexpérimentée dans les affaires, elle ne va exercer qu’une surveillance inutile sur les intérêts de son enfant et la tutelle sera nuisible à ce dernier au lieu de lui profiter ?

Voici, en effet, le dilemme : ou la femme est capable d’être tutrice, ou elle ne Test pas. Si elle ne l’est pas, vous commettez un véritable crime contre l’enfant en permettant à sa mère de prendre sa tutelle et de compromettre ses intérêts. Si elle l’est, mais faites donc un pas de plus en lui permettant de devenir, comme l’homme, tutrice dans tous les cas.

Et ce n’est pas encore tout : autour du tuteur, pour le conseiller et le surveiller, se tient l’assemblée intime qu’on nomme le conseil de famille. Là, pas de responsabilité, pas de charge, pas de direction ; une femme y pourrait trouver place ; elle aurait l’occasion de faire entendre de sages conseils quand il s’agirait de l’éducation, de l’avenir, du mariage du jeune pupille, surtout si ce