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tenue, en disant que lorsqu’il s’était servi du modèle pour quelques-uns de ses ouvrages, il l’avait dessiné dans son pur naturel, chargeant les parties qui lui avaient paru chargées ; mais ensuite il les réduisait à la véritable proportion qu’elles devaient avoir et corrigeait, par le secours de l’art, ce que la nature et le vrai lui avaient montré d’imparfait dans le modèle. On cita l’exemple des porteurs qu’il a représentés dans le Triomphe d’Alexandre ; car il en a pris la première idée sur le modèle qui, ayant toujours quelque défaut, est ensuite rectifié à loisir dans les parties qui ont été chargées quand on l’a dessiné tel qu’il a paru. M. Le Brun n’a pas été moins circonspect à se servir de l’antique. Il a souvent fait remarquer que les anciens ouvriers y ont représenté des divinités ou des héros qu’on supposait être d’une taille accomplie, et, pour les mettre dans ce degré de perfection, ces excellents ouvriers ont fait un choix de toutes les belles parties qui composeraient un homme, s’il y en avait de parfaits. Ainsi toutes les parties empruntées de côté et d’autre, et ramassées en un seul sujet, y sont d’une égale force et chacune y paraît dans un degré dominant. Le peintre qui vient étudier ces antiques les dessine exactement comme il les voit, mais lorsqu’il en veut tirer des secours pour son usage, il y ajoute ou il en retranche quelque chose pour les réduire au véritable naturel et les ramener du merveilleux au vraisemblable. Ainsi les habiles ouvriers se servent quelquefois de la Nature pour corriger l’Art, et quelquefois de l’Art pour corriger la Nature.

M. Le Brun fit aussi ressouvenir l’Académie d’une remarque qu’il avait faite autrefois sur tous les ouvrages de M. Poussin et particulièrement sur les tableaux de l’Arche d’Alliance et de Rébecca. Il dit que M. Poussin, étudiant toujours avec soin la nature du sujet qu’il