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modèle qu’ils doivent consulter. Ils jugent par ce seul auteur la manière de tous les autres, et ils n’ont point d’autres yeux pour faire le discernement des beautés et des divers agréments que la nature nous propose à imiter.

Cette inclination se peut pardonner à un jeune étudiant qui est encore sous l’aile du maître, et elle est si naturelle dans ces commencements qu’on ne doit pas prétendre l’interdire absolument ; mais ce qui empêche tout à fait de se rendre savant dans notre art est, comme je l’ai souvent remarqué, que des élèves qui commencent à s’avancer et qui donnent eux-mêmes beaucoup d’espérances se bornent tout d’un coup et s’entêtent d’imiter et de faire des copies toutes pures de la manière d’un auteur particulier, en assujettissant ainsi leur génie qui est si libre à cette manière particulière, au lieu qu’ils devraient prendre ce qu’il y a de plus beau dans toutes les manières particulières et se former, à l’imitation des abeilles, un suc, c’est-à-dire une beauté qui leur fût propre.

Car il faut demeurer d’accord qu’un des plus sensibles charmes de la peinture consiste dans l’agréable diversité des manières de ceux qui la professent par les beautés particulières qu’ils se sont acquises en faisant effort de perfectionner le génie dont ils ont été doués, qui n’est pas propre dans aucun homme à être forcé, quelque désir