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particulier, et qu’il doit concourir à l’effet général, il faut joindre à la couleur l’intelligence du clair-obscur pour parvenir à la beauté du tout ensemble.

Il semble qu’on ne puisse donner d’idée plus sensible du clair-obscur qu’en citant la fameuse grappe de raisin du Titien, dont tous les grains exposés à la lumière font une masse claire et ceux qui en sont privés une masse brune, au lieu que les grains dispersés ayant chacun leur lumière et leur ombre fatigueraient la vue en la divisant. Le clair-obscur n’a presque point été connu de la plupart des grands maîtres d’Italie, non plus que le coloris ; l’un et l’autre sont à peu près de même date, et ce sont les grands coloristes de Venise, le Giorgione et le Titien, qui l’ont inventé et pratiqué. Polidore de Caravage, disciple de Raphaël, quoique fort attaché aux antiques, en a connu le mérite. On voit, dans ses belles frises peintes de blanc et de noir, ou dans les estampes qui en ont été gravées, qu’il a disposé ses groupes par masses de lumière et d’ombre avec un art infini. Otto Venius, maître de Rubens, a fait connaître le clair obscur en Flandre mais Rubens s’en est toujours fait un principe perpétuel et décidé, et il en a si bien fait sentir l’utilité dans ses grands ouvrages, que tous les peintres des Pays-Bas l’ont suivi, et se sont rendus célèbres par cette partie, qui semble presque inséparable du bon goût de couleur auquel ils se