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transparentes, au travers de l’eau qui en dégoutte ; que de plus l’eau qui tombe dans les cascades et entre les rochers n’a nul éclat de lumière, et ne paroît qu’une terre détrempée, et qu’à l’égard des figures, leurs habits sont tous mouillés ; que chacune pour se sauver fait des efforts dont les expressions sont merveilleuses, et qu’on en voit qui paroissent à demi mortes de frayeur, de langueur et de peine.

À l’égard de la lumière, elle est foible, parce que le soleil est presque caché. Elle ne vient que du seul éclat des éclairs, qui même, n’ayant pas de force au milieu de la pluie, répandent cette lumière très foible et uniforme sur les corps mouillés, qui n’ont pas aussi de fortes ombres, non plus que les vêtements des figures.

Pour ce qui regarde les couleurs, elles tiennent toutes de la teinte générale de l’air, M. Poussin n’ayant pas voulu que dans les roches et les terrasses il y eût rien qui ne convînt à la couleur universelle. Les diverses sortes d’habits des figures étant mouillées, ne laissent pas de conserver, chacune en particulier, sa couleur naturelle et distincte avec tant d’art, que toutes ces couleurs font une union et une harmonie dignes d’être admirées.

Après que M. Loir eut prononcé ce discours de vive voix, il en fit remarquer les circonstances, en indiquant sur les parties du tableau, ce qu’il avoit dit touchant les effets de la lumière, l’union des couleurs et les expressions du tout ensemble.


COMMENTAIRE


C’est, nous l’avons vu, le 4 août 1668, que Nicolas Loir donna lecture de cette conférence dans la salle des séances de l’Académie. Le tableau de Nicolas Poussin, faisant partie du Cabinet du roi, avait été placé, à cet effet, sous les yeux des académiciens et du public.

Qu’est devenu le texte écrit de Nicolas Loir ? L’analyse trop sommaire que nous donnons ici est l’ouvrage de Guillet de Saint-Georges. On la trouvera dans les Mémoires inédits des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture[1]. Elle fait suite au « Mémoire » con-

  1. Tome Ier, p. 342-345.