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M. Bourdon fit encore observer que les lumières et les ombres ne sont pas répandues par petits morceaux, mais largement, comme l’on voit sur le manteau jaune d’un des apôtres. Ce n’est pas que dans les jours et les ombres de tous les vêtements il n’y ait autant de plis qu’il est nécessaire, mais ces plis sont formés dans les ombres et dans les jours avec les mêmes couleurs, c’est-à-dire qu’ils ne sont que rompus par des demi-teintes et des affoiblissements d’éclats, de lumières et de force d’ombres.

Après cela, M. Bourdon vint à parler de la composition de tout le tableau. Il dit que c’est de M. Poussin que ceux qui entreprennent de traiter un sujet peuvent apprendre de quelle sorte il faut étudier d’abord la nature du lieu et les autres circonstances nécessaires à l’histoire qu’on veut représenter. Qu’on voit ici qu’il a été soigneux de s’instruire du pays et de la situation de Jéricho, à cause que ce fut au sortir de cette ville que Jésus-Christ donna la vue aux deux aveugles dont il figure le miracle. Qu’il s’est heureusement servi de ce que Josèphe en écrit, qui parle de cette contrée comme du plus beau et du meilleur pays du monde, et qui attribue la fécondité de son terroir à la vertu d’une fontaine qui est proche de la ville, dont les eaux humectant les terres d’alentour, les rendent grasses, fertiles et chargées de toutes sortes de bons arbres. Que c’est pour cela qu’on voit ces palais et ces maisons de plaisance au bord de ce large ruisseau, parce que c’est ordinairement dans de pareils endroits que les grands seigneurs prennent plaisir à bâtir ; et qu’ainsi en représentant la beauté de ce pays, il a trouvé moyen de satisfaire davantage la vue par les objets divertissants dont il a rempli son tableau, sans rien faire néanmoins dont le trop grand éclat éblouisse les yeux et les détourne de dessus les figures qui en sont le principal objet.

Il ajouta que dans ces figures, outre leur belle disposition, l’on y doit encore remarquer le trait et la proportion, qui sont eux parties dépendantes du dessin, mais que l’on peut considérer conjointement. Qu’étant vêtues, il est malaisé de faire observer toutes leurs largeurs pour bien voir rapport qu’elles ont avec les hauteurs. Qu’il se contenteroit donc de dire que la hauteur du Christ est de huit mesures de tête, qui est la