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rajó, dans la gravure des vases anthropomorphes, portant des attributs du sexe féminin. Il est facile d’y reconnaître des dessins analogues à ceux des tatouages des chefs Maoris de la Nouvelle-Zélande. Une sorte de dualisme se manifeste dans les figures humaines et animales répresentées sur toute la poterie primitive de Marajó, dualisme qui se rattache intimement aux doctrines de Zend Avesta et de Zoroastre, et à la phallolâtrie dans toutes ses manifestations.

On y vénérait ces emblèmes de la fécondité de même que chez les peuples orientaux et spécialement chez les sectateurs de Siva on adorait le Lingam et l’Yoni, comme l’emblème de la plus pure essence divine et de la toute puissance du Créateur.

Quant aux urnes funéraires du sexe féminin, couvertes de simulacres de tatouage, je ne sais réellement ce que l’on en doit penser. Y aurait-il eu chez cette nation si particulièrement adonnée à l’art céramique une classe de femmes privilégiées, prêtresses de cet art ou bien n’y doit-on voir que des dessins décoratifs peut-être symboliques, et qu’elles seules savaient comprendre ?

Si cette caste existait, c’est-à-dire si le travail idéographique de la poterie du pays appartenait uniquement à des femmes, si elles étaient les écrivains de cette antique nation émigrée, je ne sais alors quel rôle devaient jouer les prêtres ou devins pagès dans la représentation figurative des légendes et de la chronologie de tout ce peuple.

« À ce qu’il me semble, ai-je dit, la poterie représentative ou symbolique monumentale devait être préparée sous les yeux des prêtres, espèces de scribes ou de chroniqueurs de la nation. Ils dirigeaient le travail épigraphique, fournissant, pour les figures symboliques, l’esquisse suivie par les potières, ou bien, surtout lorsqu’il s’agissait de figures peintes, ils prenaient eux-mêmes les instruments et donnaient la forme définitive aux caractères figuratifs. venus.

Si ce n’est pas de la sorte que l’on sculptait et peignait la partie conventionnelle, emblématique, de la poterie des anciens peuples de Marajó, nous sommes forcés d’attribuer cette décoration expressive aux femmes céramistes. Dans ce cas, il y aurait eu parmi elles plus qu’une caste artistique bien au fait des traditions séculaires de ses ancêtres, il y aurait eu une caste que ses connaissances élevaient au niveau des prêtres.

À défaut de témoignages suffisants pour élucider ce point, limitons-nous à admirer, par les précieuses antiquités découvertes jusqu’à ce jour, les artistes, qui, héroïnes anonymes d’un peuple ignoré, nous les ont léguées à travers un espace de temps qui se compte par siècles.

Aujourd’hui encore, parmi les descendants de ces femmes, persiste une supériorité artistique de leur sexe sur les hommes de la même race. La poterie, le tissage et tous leurs autres charmants travaux témoignent des dispositions artistiques de la femme américaine.

Nous sommes autorisés à croire que, si profonde que soit la dégénérescence de la race aborigène chez les individus du sexe masculin, la femme américaine, bien qu’elle participe à ce déclin moral du sexe fort, a pu garder des vestiges du niveau intellectuel auquel ses ascendants étaient parvenus.

Dans presque toutes les antiquités des mounds de Marajó, j’ai rencontré d’innombrables caractères communs aux produits céramiques des peuples les plus avancés de l’Amérique. Il y a donc dans ce parallélisme de développements intellectuels des entités qui se rapprochent plus étroitement entre elles, de même que deux genres, deux espèces et même deux frères peuvent se ressembler et s’harmoniser davantage au milieu de leur nombreuse famille. Or, parmi toutes ces nations du même âge ou plutôt de celles qu’une grande similarité rapproche le plus de nos mound-builders de l’Ama-