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Les plus beaux et les plus artistiques de ces zoolithes ou mieux ceux dont la fabrication a dû présenter le plus de difficulté, comme celui qui se trouve au centre du trophée exposé ici, ont été trouvés dans les sambaquis du Sud, c’est-à-dire dans les amas de coquilles accumulés par le peuple qui, de tous les anciens aborigènes du Brésil, occupe le dernier degré de l’échelle anthropologique.

Que peut-on conclure de ce fait ? Que les hommes des sambaquis étaient les descendants dégénérés de nations très avancées, dont ils conservaient, comme les anciens peuples de l’orient dans leur exil, pour dernières reliques, les vases sacrés et les pénates, ou n’étaient-ils point plutôt des brigands anthropophages échappés des régions de l’occident après avoir enlevé ces trésors à des nations plus civilisées ?

Je laisse libre à de plus hardis le champ risqué des hypothèses, dans lesquelles je ne m’engage que lorsque j’y suis conduit par la voie naturelle de la discussion.

Si ces vases sacrés des sambaquis ont été apportés jusqu’au Sud du Brésil par des tribus émigrantes, il en est de même, je suppose, pour les amulettes zoomorphes, la plupart en stéatite, rencontrées sur les bords de l’Amazone et auxquelles on a voulu donner le nom d’idoles. Ces amulettes sont des figures pisciformes dont je connais trois exemplaires semblables, elles sont constituées par une dualité zoologique qui représente un organisme en domination sur l’autre, comme si l’on avait eu l’intention de figurer ainsi le symbole de la pêche, et nous savons que lorsque les indigènes allaient pêcher, ils avaient l’habitude de porter des zoolithes pisciformes sur leurs canots. Or, ces figures doubles représentent le dualisme auquel je me suis rapporté plus haut et n’ont jamais appartenu à l’archéologie brésilienne, mais bien aux antiquités de Catamarca, de la vallée supérieure du Magdalena et du lac de Nicaragua.

Quelle est de toutes ces nations, celle qui fut la souche des courants migratoires, dont la principale route a été l’Amazone ? De toutes ces régions, quelle est celle qui fut le point de départ de ces courants ? Ce sujet touche à des problèmes dont je me suis parfois occupé et auxquels ces investigations se rattachent par quelques points. L’un de ces problèmes a trait à l’origine de la néphrite, regardée par les indigènes du Nord du Brésil comme une roche divine et employée comme amulette contre certaines maladies.

Le Dr. Fischer, croyant qu’il n’existait pas de gisement de néphrite sur notre continent, a été conduit à admettre l’importation de cette roche en Amérique par des peuples émigrés des côtes asiatiques. Jusqu’à une certaine époque je partageai son avis, mais aujourd’hui tout me porte à croire que la néphrite est une roche également américaine, et peut-être aussi abondante dans la vallée de l’Amazone ou de l’Orénoque, que dans l’Amérique centrale où des amulettes ont été trouvées par centaines. À cela, il convient d’ajouter que des Indiens d’Alaska ont révélé à ce sujet un secret, certainement identique aux mystères qui voilent les croyances et usages théogoniques de l’Amazone et des Guyanes. On a su par ces indiens que la néphrite existe en effet, mais que le secret de ses gisements n’est connu que des pagés. Il s’agit donc d’obtenir des renseignements authentiques sur ces mystérieux gisements, et lorsqu’ils seront connus, il sera facile, par la constitution géologique des terrains où gît la néphrite d’Alaska, de découvrir ceux de l’Amérique Méridionale. S’il en est ainsi, nous verrons encore détruite une des bases sur lesquelles s’appuient ceux qui veulent justifier par des témoignages de plusieurs espèces, l’intervention de l’élément asiatique dans la population américaine. Il peut bien se faire que cet élément se soit mêlé, non pas une seule fois, mais à plusieurs reprises, dans le sang des peuples du vaste continent américain. Toutefois, il n’est donné à qui que ce soit de découvrir, sur les sables de la longue route des