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En vérité, ce que la peinture de la céramique de Marajó offre de plus délicat, on le trouve dans cette sorte de gracieux produits artistiques, qui réunissent à leur surface, dans les plus délicates miniatures, tout l’art décoratif des plus belles poteries de l’île.

La tanga pourtant, n’avait, d’après moi, ni la simple utilité d’un préservatif hygiénique, ni le rôle d’un voile de pudeur. On devait lui donner quelque noble signification qui ne pouvait manquer d’avoir une corrélation avec la phallolâtrie des habitants de Marajó, seul point de l’Amérique où nous voyions à la fois la tanga et le phallus sous tant de formes diverses. Néanmoins cette question touche à un terrain sur lequel je ne veux pas me hasarder. Il paraît évident que si, à l’usage de la tanga, est attachée la tradition d’un culte ou l’observation d’un rite respecté par un peuple au milieu duquel nous voyons le phallus si souvent figuré, ce culte ne peut être que la phallolâtrie. Mais alors la tanga n’est rien moins que le divin triangle hindou, le trois fois sacré Yoni, source et principe du Lingam lui-même.

Je n’ai pas, on le voit bien, de base suffisante pour insister là dessus avec des éléments restreints, et ce n’est pas non plus dans l’esprit de ces recherches. Développer cette thèse, lui donner le caractère d’un principe justifié, la revêtir d’axiômes péremptoires, ce ne serait rien moins que rattacher directement les mound-builders de Marajó à la race hindoue, comme si aucun autre peuple ne s’était interposé entre eux, comme si d’un seul bond on avait franchi les milliers de lieues qui séparent le vieux sol de l’Indus et du Gange des plages de l’Amérique orientale.

Si la phallolâtrie existait au Marajó avec tout le développement et la complexité que nous avons fait ressortir dans les pages précédentes, il paraît hors de doute que quelque vestige de ce culte eût dû se retrouver chez les anciens peuples du Mississipi, auxquels se rattachèrent autrefois les habitants de Marajó. Mais le phallus n’y a point été rencontré d’une manière positive avec le caractère d’idole ; et l’on n’a pas découvert non plus le moindre de ces ornements triangulaires dans aucune des fouilles pratiquées dans la vallée du grand affluent du golfe du Mexique. Ces arguments peuvent faire douter de l’authenticité de la phallolâtrie, avec les symboles du Lingam et de l’Yoni, dans le Marajó, et il est vrai de dire que l’on ne peut opposer à ce doute aucune objection péremptoire.

Laboremus, doit être pour longtemps encore la devise des investigateurs voués à l’étude des mouvements produits sur le sol américain pendant les longs siècles qui nous ont précédés. Ajoutons-y que le triangle sacré ou l’Yoni, qui touche de si près aux principes de la théogonie indienne, paraît avoir été adoré par tous les peuples de l’ancien continent, se mêlant à toutes les religions et, ce qui nous semble le plus singulier, toujours voilé des attributs qui s’attachent aux mystères de la divinité suprême.

Nous n’avons pas besoin de prendre le bourdon du pèlerin pour aller chercher sur les plages lointaines de l’orient des preuves certaines de ce fait.

Qui ne connaît l’esprit d’une divine et mystérieuse influence attribuée au Signum Salomonis, emblême lié à toutes les sciences occultes si cultivées au Moyen Age et, dans bien des centres peuplés et avancés de l’Europe, jusqu’à l’avant-dernier siècle !

Demandez à une vieille nourrice européenne de race indo-germanique à quoi sert le signe de Salomon en or ou en argent que porte à son cou le bel enfant dont elle est la gardienne soigneuse et vigilante, et elle vous répondra bien vite que ce bijou, emblême sacré et puissant talisman, est par sa propre vertu capable de conjurer tous les maux auxquels l’enfance est sujette. Or, ce talisman de tous les peuples et de toutes les phases de l’histoire humaine, sur lequel