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zone, ce sont les mound-builders du Missouri qui à leur tour présentent des analogies frappantes avec les Caraïbes, les plus anciens des Antilles, et les Toltèques.

Selon toute probabilité, les mound-builders de l’Amazone provenaient de contrées éloignées dont ils avaient gardé quelques réminiscences, malgré les siècles écoulés et les vicissitudes sans nombre qu’ils durent subir avant d’atteindre le terme de leur exode.

Ils avaient surtout conservé quelques unes des allures des peuples antiques du nord, peut-être des mound-builders du Mississipi ou probablement de leurs descendants, les Toltèques.

Peu nombreux et doués d’une certaine culture intellectuelle, ils s’établirent sur divers points de l’île de Marajó, où ils se partagèrent naturellement en groupes de familles ou en tribus, et s’établirent dans les endroits dont la disposition topographique pouvait les mettre à l’abri des attaques des peuples hostiles. Les mounds qui existent encore aujourd’hui, sont presque tous construits de manière à dominer les lacs, les rivières et les plaines annuellement inondées.

C’est là une preuve éloquente de l’expérience qu’il fallut acquérir pour connaître le pays, et aussi de la collectivité de forces auxquelles il fallut recourir pour ces constructions, ou, peut-être du temps énorme employé à les bâtir, de façon à les rendre propres au double but que nous leur reconnaissons : ensevelir les morts et veiller à la sûreté des vivants.

Quant au caractère ethnologique de la forme des urnes funéraires ou des objets fabriqués qu’elles contenaient, et que j’ai en grande partie analysés ou mentionnés, je crois devoir dire tout d’abord que toutes les urnes où l’on conservait des ossements de femmes ont toujours présenté, avec les fragmens pulvérisés de ces os, une singulière espèce de Folium vitis, actuellement connue dans l’archéologie brésilienne sous le nom de tanga ou babal Cet ornement appartenait exclusivement à la personne pour laquelle il avait été fabriqué, ce que l’on peut induire des dimensions et des différentes formes observées entre plusieurs dizaines de ces pièces que possède le Muséum National.

En outre, les dessins, qui ont pour base six ou huit patrons, généraux, sont si divers, et tant d’efforts ont été employés à les différencier, qu’il n’y en a pas deux parfaitement identiques dans toute la collection.

Ce qui est à noter et digne d’une mention toute particulière, c’est une gradation de ces ornements qui semble indiquer les classes nombreuses que ce peuple avait établies.

Les plus pauvres tangas, appartenant aux femmes les plus obscures de la tribu, celles de la plèbe en un mot, étaient simplement peintes en rouge. Les feuilles de vigne des Èves obscures de la grande île n’exigeaient pas tout le soin que l’on employait au moulage des autres. Elles se fabriquaient probablement sans mesure ni modèle, avec la négligence de l’à peu près, ce qui se reconnait par le manque de symétrie rigoureuse et plus encore par l’absence du relief observé dans les tangas aristocratiques.

Ces dernières sont aussi nombreuses que les autres et je n’hésite pas à les mentionner comme les produits les plus délicats de l’industrie de Marajó.

Ce sont des plaques triangulaires bombées ou mieux des triangles sphériques légèrement irréguliers à leur extrémité et dans leur courbure, autant qu’il le fallait pour qu’ils pussent s’adapter à l’organe auquel ils étaient destinés À chaque extrémité, il y a un trou qui fait reconnaître sans peine la manière dont on attachait ces ornements.

Je dis ornement, car c’était probablement le seul objet qui servît à couvrir la nudité des femmes. Mais quelle que fût la cause déterminante d’une semblable parure, il est certain qu’on y attachait la plus grande importance et qu’on y donnait la valeur d’un bijou précieux.