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Ils ne lui montroient rien, sans y mêler je ne sais quoi de surnaturel, de sacré, de céleste, qui tendît à les faire regarder comme supérieurs à l’humanité, comme revêtus d’un caractère divin, comme ayant reçu du ciel même des connoissances interdites au reste des hommes.

Ils eurent donc deux doctrines, l’une pour eux seuls, l’autre pour le peuple : souvent même, comme ils se partageoient en plusieurs ordres, chacun d’eux se réserva quelques mystères. Tous les ordres inférieurs étoient à la fois fripons et dupes ; et le systême d’hypocrisie ne se développoit en entier qu’aux yeux de quelques adeptes.

Rien ne favorisa plus l’établissement de cette double doctrine, que les changemens dans les langues, qui furent l’ouvrage du temps, de la communication et du mélange des peuples. Les hommes à double doctrine, en conservant pour eux l’ancienne langue, ou celle d’un autre peuple, s’assurèrent aussi l’avantage de posséder un langage entendu par eux seuls.

La première écriture qui désignoit les