Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dû souvent être moins frappées de la supériorité de ces peuples, qu’effrayées de la multiplicité et de l’étendue de leurs besoins, des tourmens de leur avarice, des éternelles agitations de leurs passions toujours actives, toujours insatiables. Quelques philosophes ont plaint ces nations ; d’autres les ont louées : ils ont appelé sagesse et vertu, ce que les premiers appeloient stupidité et paresse.

La question élevée entr’eux se trouvera résolue dans le cours de cet ouvrage. On y verra pourquoi les progrès de l’esprit n’ont pas toujours été suivis du progrès des sociétés vers le bonheur et la vertu, comment le mélange des préjugés et des erreurs a pu altérer le bien qui doit naître des lumières, mais qui dépend plus encore de leur pureté que de leur étendue. Alors, on verra que ce passage orageux et pénible d’une société grossière à l’état de civilisation des peuples éclairés et libres, n’est point une dégénération de l’espèce humaine, mais une crise nécessaire dans sa marche graduelle vers son perfectionnement absolu. On verra que ce n’est pas