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nement de leur langue, si vague encore et si obscure. Or, c’est à ce perfectionnement qu’elles peuvent devoir l’avantage, de devenir véritablement populaires même dans leurs premiers élémens. Le génie triomphe de ces inexactitudes des langues scientifiques comme des autres obstacles ; il reconnoît la vérité malgré ce masque étranger qui la cache ou qui la déguise ; mais celui qui ne peut donner à son instruction qu’un petit nombre d’instans, pourra-t-il acquérir, conserver ces notions les plus simples, si elles sont défigurées par un langage inexact ? Moins il peut rassembler et combiner d’idées, plus il a besoin qu’elles soient justes, qu’elles soient précises ; il ne peut trouver dans sa propre intelligence, un systême de vérités qui le défendent contre l’erreur, et son esprit qu’il n’a ni fortifié ni raffiné par un long exercice, ne peut saisir les foibles lueurs qui s’échappent, à travers les obscurités, les équivoques d’une langue imparfaite et vicieuse.

Les hommes ne pourront s’éclairer sur la nature et le développement de leurs sentimens moraux, sur les principes de la mora-