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les gouverner, mais non être forcés de le leur abandonner avec une aveugle confiance.

C’est alors que cette supériorité devient un avantage pour ceux même qui ne le partagent pas, qu’elle existe pour eux, et non contre eux. La différence naturelle des facultés entre les hommes, dont l’entendement n’a point été cultivé, produit, même chez les sauvages, des charlatans et des dupes ; des gens habiles et des hommes faciles à tromper ; la même différence existe sans doute dans un peuple où l’instruction est vraiment générale ; mais elle n’est plus qu’entre les hommes éclairés, et les hommes d’un esprit droit, qui sentent le prix des lumières sans en être éblouis ; entre le talent ou le génie, et le bon sens qui sait les apprécier et en jouir ; et quand même cette différence seroit plus grande, si on compare seulement la force, l’étendue des facultés ; elle ne deviendroit pas moins insensible, si on n’en compare que les effets dans les relations des hommes entre eux, dans ce qui intéresse leur indépendance et leur bonheur.