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les plus dangereuses de ces erreurs. Chaque homme, avant de pouvoir dissiper celles d’autrui, devoit commencer par reconnoître les siennes ; avant de combattre les difficultés que la nature oppose à la découverte de la vérité, il avoit besoin de refaire en quelque sorte sa propre intelligence. L’instruction donnoit déjà des lumières ; mais pour qu’elles fussent utiles, il falloit les épurer, les séparer du nuage dont la superstition, d’accord avec la tyrannie, avoit su les envelopper.

Nous montrerons quels obstacles plus ou moins puissans ces vices de l’instruction publique, ces croyances religieuses opposées entre elles, cette influence des diverses formes de gouvernement, apportèrent aux progrès de l’esprit humain. On verra que ces progrès furent d’autant plus lents, que les objets soumis à la raison touchoient davantage aux intérêts politiques ou religieux ; que la philosophie générale, la métaphysique, dont les vérités attaquoient directement toutes les superstitions, furent plus opiniâtrement retardées dans leur marche, que la politique dont le perfectionne-