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questions, que les intérêts opposés forçoient d’agiter : la religion, loin de reconnoître son autorité, prétendoit la soumettre et se vantoit de l’humilier ; la politique regardoit comme juste ce qui étoit consacré par des conventions, par un usage constant, par des coutumes anciennes.

On ne se doutoit pas que les droits des hommes fussent écrits dans le livre de la nature, et qu’en consulter d’autres ce fût les méconnoître et les outrager. C’étoit dans les livres sacrés, dans les auteurs respectés, dans les bulles des papes, dans les rescrits des rois, dans les recueils des coutumes, dans les annales des églises, qu’on cherchoit les maximes ou les exemples, dont il pouvoit être permis de tirer des conséquences. Il ne s’agissoit pas d’examiner un principe en lui-même, mais d’interpréter, de discuter, de détruire ou de fortifier par d’autres textes ceux sur lesquels on l’appuyoit. On n’adoptoit pas une proposition parce qu’elle étoit vraie, mais parce qu’elle étoit écrite dans un tel livre, et qu’elle avoit été admise dans tel pays et depuis tel siècle.