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parmi ses moyens les préjugés et l’ignorance de ses victimes ; elle cherche à compenser par la réunion, par l’activité d’une force moindre, cette supériorité de force réelle qui semble ne pouvoir cesser d’appartenir au plus grand nombre. Mais le dernier terme de ses espérances, celui auquel elle peut rarement atteindre, c’est d’établir entre les maîtres et les esclaves une différence réelle, qui en quelque sorte rende la nature elle-même complice de l’inégalité politique.

Tel fut, dans les temps reculés, l’art des prêtres orientaux, lorsqu’on les voyoit à la fois rois, pontifes, juges, astronomes, arpenteurs, artistes et médecins. Mais ce qu’ils durent à la possession exclusive des facultés intellectuelles, les tyrans grossiers de nos foibles ancêtres l’obtinrent par leurs institutions et par leurs habitudes guerrières. Couverts d’armes impénétrables, ne combattant que sur des chevaux invulnérables comme eux, ne pouvant acquérir la force et l’adresse nécessaires pour dresser et conduire leurs chevaux, pour supporter et manier leurs armes, que par un long et pénible