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& qu’ils ſoient chargés de diſcuter des intérêts publics, alors ces intérêts ſont ſacrifiés à celui de l’élection, on parle pour être élu, on réfute pour faire donner l’excluſion. Toute diviſion dans les avis devient une cabale dirigée vers l’élection. L’un pour ne pas riſquer de perdre des voix, ne dit qu’à demi les vérités qui bleſſent les préjugés d’un grand nombre d’Électeurs & ſoutient foiblement les avis que ſes principes ne lui permettent pas d’abandonner. L’autre flatte les paſſions de l’Aſſemblée, exagère les vérités, encenſe les erreurs qu’il ſait lui être chères. Ce n’eſt plus un combat d’opinions, où l’on veut faire triompher la raiſon ; c’eſt une lutte où chacun, à force d’adreſſe, cherche à faire triompher ſon parti. J’en appelle encore à la conſcience de ceux qui ont vu les élections de cette année, elle ne répondra point que ce tableau eſt chargé.

Le mal eſt moins grand ſans doute, ſi les Électeurs ne peuvent choiſir parmi eux, mais il l’eſt encore aſſez pour qu’on doive ſéparer la fonction d’élire de toute autre. Dans les diſcuſſions les Électeurs contracteroient néceſſairement un eſprit de parti ; ceux d’entr’eux