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sur l’esclavage des Negres

ſeroit-elle impoſſible à remplir, & ne trouveroit-on pas, dans toute l’Europe, une douzaine d’hommes qui n’aimaſſent point l’or, & qui ne craigniſſent point le ſuc de manioc ?

D’ailleurs, en ſupposant que les colons trouvâſſent des moyens d’éluder, en grande partie, les loix que nous avons propoſées, du moins la durée de l’eſclavage ne peut ſe prolonger au-delà de ſoixante & dix ans. La loi qui permettroit aux Negres d’acheter leur liberté, & aux hommes libres de racheter les Negres, ſuivant un tarif ; la loi qui déclareroit libres les Negres à un certain âge, celle qui affranchiroit leurs enfans avec eux, toutes ces dispoſitions ne peuvent être éludées que par une prévarication ouverte de la part des juges ; & le crime que commettroit le colon, en retenant des Negres libres, pourroit être prouvé par des preuves juridiques, ſans avoir recours, ni aux témoignages des Noirs, ni aux dépoſitions plus ſuſpectes encore, des Blancs. Ainſi, du moins les maux que les autres diſpoſitions de la loi n’auront pu empêcher, auront un terme ; le nombre des Negres eſclaves, & par conſéquent le nombre des crimes, diminueroit chaque