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sur l’esclavage des Negres

na-, ni aucune importation d’eſclaves. Il faut donc défendre abſolument cet horrible trafic, mais ce n’eſt point comme contrebande qu’il faut le prohiber, c’est comme crime ; ce n’est point par des amendes qu’il faut le punir, mais par des peines corporelles & déſhonorantes. Celles que, dans chaque pays on décerne contre le vol, pourroient suffire. Nous ne faiſons, ſans doute, aucune comparaiſon entre un voleur, & un homme qui trafique de la liberté d’un autre homme, qui enleve de leur patrie les hommes, les femmes, les enfans ; les entaſſe, enchaînés deux à deux, dans un vaiſſeau, calcule leur nourriture, non sur leurs beſoins, mais ſur ſon avarice ; qui leur lie les mains pour les empêcher de mourir ; qui, s’il eſt pris de calme, jette tranquillement à la mer ceux dont la vente ſeroit le moins avantageuse, comme on ſe débaraſſe d’abord des plus viles marchandiſes. On peut commettre des vols & n’avoir point étouffé tous les ſentimens de l’humanité, tous les penchans de la nature, ſans avoir perdu toute élévation d’ame, toute idée de vertu ; mais il ne peut reſter à un homme qui fait le